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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour : 26.11.2025
11954 articles


CES ORAGES-LA SANDRINE COLLETTE

CES ORAGES-LA   SANDRINE COLLETTE

 

L'auteur :images_10

 

Sandrine Collette, née en 1970 à Paris, est une romancière française.
Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique.
Elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.

Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot.

Il s’agit Des nœuds d'acier, publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne.
Le roman raconte l'histoire d'un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave.

Elle se consacre alors à l'écriture et s'installe à La Comelle, village du Morvan d'où elle est originaire et dont elle devient conseillère municipale.

En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : Un vent de cendres (chez Denoël).
Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne.
Le roman revisite le conte La Belle et la Bête.

Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d'acier et d'Un vent de cendres n'étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l'un des grands noms du thriller français.

 

Thèmes et références


Sandrine Collette aime la campagne profonde, la forêt, la montagne, les vignes. Tout naturellement, elle aime situer ses intrigues dans un univers rural, même si son petit polar "Une brume si légère", est exceptionnellement urbain.
La romancière part toujours d’une image qui lui permettra de dérouler le fil de sa fiction.
Ses références vont de Luis Sepulveda à Marguerite Duras ou Paulo Coelho.

 


Ses œuvres :

 

— Des nœuds d'acier - 2013
— Un vent de cendres - 2015
— Six fourmis blanches - 2015
— Il reste la poussière - 2016
— Les Larmes noires sur la terre - 2017
— Juste après la vague - 2018
— Animal - 2019
— Et toujours les forêts - 2020 ROMAN
— Ces orages-là – 2021

"— " Livres lus et dans ma rubrique "Mes lectures"

 

violence

L'histoire

Ces-orages-la

 

Critique

Dans son thriller glacial, l'auteur évoque la terreur, les palpitations,
l'incapacité d'une femme maltraitée à tourner la page.

LeFigaro

 

Le propos du livre n’est pas d’interroger une relation toxique,
thème d’actualité déjà largement traité, mais de décrire l’après,
le vide qui s’ensuit, l’obscure tentation pour la victime
de rejoindre son prédateur.
Clémence porte en elle les traces des violences psychiques qu’elle a subies,
elle ne parvient pas à s’en défaire.
Un vieux voisin au prénom prédestiné de Gabriel
prend sous son aile cette maigrichonne qui avoue simplement
« sortir d’une rupture ».
L’ange gardien est sourd mais intuitif.
Il devine une emprise, quelque chose de terrible.
En revanche, il n’imagine pas de quoi est capable cette « môme paumée ».
Il ne soupçonne pas sa colère intérieure.

Et c’est là tout l’intérêt de l’ouvrage.
S’il s’enracine dans les débats actuels sur le harcèlement ou les féminicides,
il déjoue toute pensée binaire et envisage les rapports humains
dans leur déroutante complexité.
Quand elle sera « grande et forte »,
Clémence espère qu’elle pourra pardonner.
Mais en est-elle capable ?
C’est tout l’enjeu de ce roman à la prose concise et oppressante.
Sandrine Collette mêle approche psychologique et symbolisme
et sonde notre inquiétante part animale.

https://www.nouvelobs.com/critique/20210309.OBS41164/ces-orages-la-sandrine-collette-sonde-notre-part-animale.html

 

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Extraits :

 

     "Il fait nuit.
      Nuit des campagnes : noire, épaisse, où la lune sans cesse masquée par les nuages peine à éclaircir les reliefs de la terre – tout en ombres et en lumière.
     Une nuit comme il les aime.
     C’est pour cela qu’il l’a choisie.

   Elle, elle court dans les bois. Elle voit mal. Elle devine, plutôt – pourtant elle le connaît, cet endroit. Plusieurs fois, des branches ont giflé son visage et elle a failli tomber en trébuchant sur des racines.
     Elle court, elle est à moitié nue.
     Moitié ?
     Il ne lui reste qu’une culotte en soie – et sa montre.
     C’est l’été. Il fait chaud.
C’est la peur – son sang est comme glacé à l’intérieur. Et pourtant, elle est en nage. La sueur lui glisse sur le front, perle à ses cils, qu’elle essuie d’un revers de main pour essayer de se repérer au milieu de la forêt.
     Elle voudrait crier.
     Mais ça ne sert à rien, alors elle se tait. Il n’y a personne autour, à des kilomètres. Pas de hasard.
     Personne d’autre que lui."
     Elle entend au-dedans d’elle-même les plaintes étouffées de la panique qui la gagne.
     Un coup d’œil ridicule sur sa montre, pour quoi faire ?
     Il est presque trois heures, cette nuit-là.
    Trop long.
     Elle a pensé à se rendre, à cesser de fuir. Elle a pensé à s’arrêter et à attendre qu’il arrive. Certaines bêtes le font : tétanisées par l’effort et la panique.
     Comme elle.
     Rester au milieu de la clairière, là où il la verrait forcément. Là où elle le regardera venir, pas à pas.
     Ne plus bouger – que les tremblements.
     Fermer les yeux.
     Mais c’est impossible, elle le sait. Elle sait ce qu’arrêter veut dire."


     "S'il vous plaît, s'il vous plaît.
      Ce n'est pas lui qu'elle implore en silence; c'est un dieu, un magicien, un sorcier, n'importe lequel d'entre eux qui ne serait pas occupé à cette heure, un qui – il l'a dit dans son cri, lui : un qui la sauverait."

     "Jolie petite biche qu’il suit depuis deux heures à présent, il a eu du mal à retrouver sa trace.
     Jolie petite femelle qui lui fait briller les yeux et éclater le corps d’une exaltation indicible, maintenant qu’il l’a repérée. Il ne lâchera plus son sillage. Pour un fauve affamé comme lui, elle est une brillance dans les ténèbres, une explosion, la lumière de mille soleils.
     Je vais t’avoir.
     Elle ne le voit pas la contourner, passer à l’arrière du bosquet. Il y a trop de peur.
     Elle ne le sent pas, elle ne l’entend pas.
     D’un mouvement rapide, elle quitte le couvert des arbres et reprend sa course.
     Il l’imite.
     Il n’a plus d’effort à faire pour la pister : la culotte en soie blanche se reflète aux rayons de la lune, fuyante, agile, toujours là. Une tentation grandiose. Cela le fascine comme le petit cul des chevreuils virevoltant dans les bois de Sologne."

 

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AILLEURS
APRÈS
AUTRE CHOSE

 

     "La jeune femme se tient dans l’ouverture de la porte-fenêtre, tournée vers l’intérieur de la maison. Elle, au visage fatigué : a ouvert les mains pour sentir l’air entre ses doigts. Un filet. Puis plus rien à nouveau. Un matin de printemps sans vent, dont la lumière lui fait baisser les yeux, à cause du reflet sur la table nacrée – elle n’a pas encore mis de nappe. Elle n’a pas eu le temps d’en acheter une. Il faudra y penser, demain ou après-demain. Ou pas du tout, et elle continuera à cligner des yeux, finalement elle s’en moque. Autour d’elle, dans la pièce remplie de soleil, les cartons empilés."

     "Elle n’a pas réussi à mettre la main sur la cafetière en défaisant les premières boîtes de déménagement et elle est allée acheter du café soluble à l’épicerie du coin. Un goût qu’elle avait oublié, douceâtre, sucré, un goût infect, nuancé par la joie presque incrédule d’être là. Être là, et qu'il reste du temps, peut-être au milieu des fleurs sauvages derrière elle – mais elle ne regarde pas encore le minuscule jardin, trop beau, trop peur, il faut s'habituer."

 

     "Juste cette maison étroite. Si petite à côté de – oh non, elle ne veut pas comparer, c’est une maison toute simple et il n’y a rien à ajouter, mais au fond d’elle, est-ce que ce n’est pas un peu faux de dire ça, est-ce que ce n’est pas de la honte, c’est cela, n’est-ce pas. Elle, revenue tant d’années en arrière, démunie, dépouillée de tout. Cette maison, il aurait fallu qu’elle soit plus grande, plus belle, il aurait fallu qu’elle soit à elle et pas une location prise à l’arraché, elle arrête d'y penser, elle avale une autre gorgée de café écœurante, se retourne pour verser d'autres grains dans la tasse, de l'eau chaude devenue tiède."

     "Elle a trente ans, elle vient de naître. Il ne lui reste à peu près rien. C’est comme regarder une maison éboulée après une secousse ou une inondation : à présent, il faut repartir de zéro. Trente ans derrière elle, et le vide soudain. Clémence ne sait pas construire, tout au plus recoller les morceaux d’un mur brisé. Clémence est le mur."

     "La joie oui, qui n’ose pas encore se dire, qui n’a pas assez de place. Qui peut comprendre cela ? Il faut être passé par la peur. Celle des lendemains mais – pas la petite peur de merde des lendemains dans la rue ou dans la misère, hein. Pas la peur ordinaire des fins de mois ou du regard des autres, les peurs minables, minuscules, presque risibles. Non : la peur des lendemains tout court. Celle du jour suivant, le jour qui ne se lèvera peut-être pas pour soi, parce qu’on sera clamsé. Voilà. Ça tient en si peu de mots. Et pourtant, l’un après l’autre, chaque jour se lève. La pensée reste cependant, collée au corps et à la tête : cela aurait pu être autrement.
Oh, la chance, le sursis. Il s’en faut de si peu.
     Et est-ce véritablement de la chance d’ouvrir les yeux et de deviner l’aube d’un autre jour, au fond ? Est-ce de la chance que tout recommence chaque fois ? Quand on a une vie de merde, se réveiller le matin n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il n’y a pas de retour au meilleur – juste le pire qui s’accumule.
Car lui – lui, l'homme : il a prouvé que le pire s'inventait d'aube en aube, de nuit en nuit."


     "Pourquoi elle, hein ? Pourquoi, si ce n'est qu'elle le portait sur le gueule ?Une petite fille trop maigre avec des grands yeux timides. Autant l'admettre : la victime idéale. Même physiquement, cela se voyait. Comme s'il y avait marqué proie sur son visage. Elle l'incarnait – au sens propre : comme une viande bien rouge et bien morte.
     Si seulement elle avait été grande et forte.
     Si elle avait été une maîtresse femme – mais si elle avait été cela, jamais Thomas ne l'aurait approchée."

     "Presque trois ans à vivre dans une cage qu'il a refermée insidieusement, un peu plus chaque jour, sans qu'elle s'en aperçoive. Trois ans : rien du tout. Dix-huit mois pour le coup de foudre et dix-huit mois pour l'enfer. Mais quand on y est, c'est long comme l'infini. Trois ans pour un travail d'orfèvre. Quand elle s'en est rendu compte, c'était trop tard, les affections étaient rompues. Plus de famille, plus d'amis, des relations minimales avec les rares collègues à la boulangerie, bonjour bonsoir, quelques conversations auxquelles elle ne participait pas. D'elle, on disait qu'elle était timide, repliée sur elle-même. La vérité est tout autre : Clémence est une œuvre.
     Son œuvre à lui."

     "Lui, le créateur. De ses mains maudites, de ses mots assassins, il modèle Clémence à son idée. À son envie. Un coup de pinceau ou un coup de poing, mauvais sculpteur ou mauvaise personne – quelle différence ? Oui, Clémence est une œuvre de souffrance. Thomas a détruit en elle chaque parcelle de gaieté, traquant la moindre étincelle, le moindre espoir. Personne ne la croit quand elle dit qu'il l'étouffe. Personne ne voit le monstre derrière l'homme charmeur qu'on lui jalouse.
     Qu'on le lui prenne ! Elle le donne à qui en veut."

     "Les premiers jours, c'est difficile. Tout est difficile. Difficile de tout changer, et que rien ne change. L'angoisse, les palpitations, l'avenir sans avenir : c'est là. Clémence voudrait que ça se répare d'un coup, comme si la vie lui devait cela, après les années terribles. Mais la vie n'est jamais redevable. Jamais juste. Elle aussi, elle est là et c'est tout. Il faut faire avec la sensation, jusqu'au bout des doigts et jusqu'au fond du ventre, qu'on ne s'en sortira pas – au fond du ventre ou au fond du trou, ça grésille, ça dévore."

     "Aujourd(hui, quand elle se remémore tout ce que Thomas a brisé en elle, elle est stupéfaite d'avoir accepté tant de – humiliations, dominations, démentes exigences ? De ne pas avoir dit stop. Pas capable. Pas de lucidité."

"Une vie de fou. Cela résume bien les choses, pense t-elle sous la lumière des réverbères ; une vie de chien. Faut-il l'aimer, ce métier. Faut-il avoir envie de ces drôles de jours qui se passent à moitié la nuit, à piétiner des journées dans une salle à trente ou trente-cinq degrés à cause des fours, sans week-ends, sans souplesse,  c'est pour cela qu'on a du mal à trouver des boulangers – trop dur, mal payé, mal aimé. Du travail pour des gens qui n'ont ni famille ni amis."

Clémence n'est bien nulle part, ni de là où elle vient, ni là où elle va. C'est juste un espoir – que ce soit mieux ailleurs. Mais le problème est à l'intérieur. Le problème, c'est elle, dedans elle, et ça, ça ne se laisse pas à la maison ou à la boulangerie. Ça l'accompagne partout.  Ça commence le matin, à l'instant où elle s'éveille : un courant électrique, une décharge d'adrénalines qui monte du nombril à la gorge, et tous les souvenirs sont là, que la nuit avait emportés.
Toutes les peurs, toutes les angoisses, tout l'effondrement. En un éclair, c'est revenu. Aujourd'hui, il n'y a aucun endroit, aucun moment où Clémence s'apaise. Tout est douleur. Au fond de son ventre, ça se dévore, les journées entières, les unes après les autres. Être mal tout le temps. Encore, et encore.
     La femelle du coucou pond ses œufs dans le nid des autres oiseaux. C’est la meilleure façon qu’elle ait trouvée de faire des paquets de bébés coucous chaque année, qu’elle ne pourrait pas élever elle-même en aussi grand nombre – mais aussi parce que le coucou est une espèce qui migre sans cesse et ne reste pas suffisamment longtemps au même endroit pour préparer un nid, couver ses œufs et nourrir ses petits une fois éclos. La femelle éjecte un œuf du nid de l’oiseau hôte et pond le sien – un seul – à la place. Lorsque le poussin coucou naît, aveugle et sans plumes, la première chose qu’il fait est de jeter hors du nid les œufs non éclos ou les bébés oiseaux autres que lui. Ainsi, il reste seul nourri. Ce qui est fascinant, c’est la taille du coucou : très vite, il devient plus gros que les parents adoptifs qui l’alimentent. Il ressemble à un ogre qui pourrait les engloutir d’un coup de bec. Or, il ne le fait pas. De leur côté, jamais les parents trompés n’arrêtent de le nourrir, semblant ignorer que ce poussin-là est un imposteur, alors même que son apparence n’a rien à voir avec la leur. Bref, le coucou est une belle saloperie. De là vient aussi le coucou que l’on adressait, il y a longtemps, aux mariés trompés ou aux couples adultères – et qui s’est transformé en cocu."

     "Lorsqu’il pond dans le nid d’espèces méfiantes, le coucou a la capacité stupéfiante de changer la forme ou la couleur de ses œufs pour que les rouges-queues ou les rouges-gorges, ses hôtes préférés, n’y voient que du feu. Du début à la fin de son histoire, se dit Clémence, cet oiseau n'est que mensonge. Il n'y a pas que les hommes. Il n'y a pas que la civilisation. La nature est le premier modèle de la duperie et de la cruauté, mais cela, ce sont des mots que l'humain a mis dessus : juste, c'est la nature. Il n'y a qu'à suivre son exemple. Thomas a fait cela. Il est de la race des coucous, il a su s'adapter pour lui plaire, a su la séduire, au-delà de l'imaginable. 
Au point de lui faire faire – tout, absolument tout.
Et elle, Clémence, est-elle donc aussi stupide qu'un rouge-gorge pour ne pas s'être aperçue qu'elle dormait avec un monstre ? Comment a t-elle pu ne pas voir ? Il a poussé hors du nid tous les autres, ceux qui auraient pu la sauver, il l'a isolée du monde, édifiant autour d'elle l'immense solitude qu'elle croyait aimer. Pour qu'il ne reste que lui, lui, lui."

"Au moment où Clémence fait glisser son doigt sur la touche rouge du téléphone, elle comprend qu'il n'y aura pas d'après. C'est inutile de leur raconter. Inutile de s'excuser, de ramper comme elle avait pensé le faire, et tant pis si c'était le prix. Quelque chose est cassé et quand c'est cassé – eh bien : c'est fichu. On peut le recoller. On peut le repriser, le rapiécer, mettre du fil, on peut restaurer aussi les corps, mais cela se verra toujours."

 

"— Chaque soir, sur un cahier, j'écris trois bonnes choses qui me sont arrivées dans la journée. Je veux dire, il faut que j'en trouve trois, chaque jour, pour que la vie vaille d'être vécue, pour trouver une raison d'être. Et parfois il n'y a vraiment pas de quoi, alors peut-être que ça m'a poussée à remarquer le plus petit des petits riens pour pouvoir l'écrire le soir sur une page, tu vois ?"

Elle ne sait pas si c’est elle qui provoque cela, la transparence. Elle ne sait pas si elle est contagieuse. Mais c’est là, sur elle, en elle. Pas la transparence des grands glaciers ou des mers superbes : celle des invisibles. De ceux qui voudraient qu’on les voie, en vain. C’est dérangeant d’y penser, à cette transparence qui a toujours accompagné Clémence. Cela se sent à plein de choses insignifiantes. Cela s’accumule comme les chagrins, l’impression que les autres passent à travers son corps, à travers son regard, et que rien ne les arrête – rien ne justifie qu’ils s’y arrêtent."

     "Si on lui avait dit.
      Si on avait eu l'honnêteté, le cran de lui dire, merde !
     Que partir, ce n'était rien.
     C'était après, que le cauchemar commençait.
Avant, c'était – déjà l'enfer, croyait-elle, mais en fait : du pipi de chat, à côté de ce qui allait l'attendre. Et de cela, personne ne l'avait prévenue. Et déjà, partir avait été une épouvante.
     Il ne faut pas lâcher ça, Clémence, il ne faut pas dire que ce n'était rien. C'était le premier pas, c'était le plus difficile. On ne t'avait pas dit qu'il y en aurait mille autres après, c'est tout. Mais celui-là, tu l'as eu. Tu l'as fait.
     Clémence lutte. Les yeux fermés, pour renverser la sort, elle murmure : J'ai réussi.
     J'ai réussi, putain -en mettant putain à la fincela marche plus fort.
     Je suis partie."

      "Si seulement elle était sûre de ne pas vouloir qu'il la trouve. Elle doit presque s'empêcher d'espérer, se rappeler le cauchemar pour secouer la tête en frémissant, les soirées abruties d'insultes et de remarques mauvaises, le chantage, la peur surtout, et le piège des coups de colère et des coups de tendresse – les derniers, elle n'y croyait plus. Pourquoi une part d'elle est prête à y retourner, elle l'ignore, effrayée. Parce que c'est difficile d'être seule? Il le lui a prédit, ça n'en finit pas de tourner en boucle dans sa tête : Tu crois vraiment que tu vas retrouver quelqu'un, avec ta dégaine, ta pauvre gueule ?"

     "Mais quoi, quand on ouvre les mains et qu’il n’y a rien dedans, quand on fouille au fond de son crâne et qu’on ne trouve que le chagrin, le vide et la colère ? C’est idiot de dire qu’une fois au creux de la vague, on ne peut que remonter, tellement idiot parce qu’il faut de l’élan pour cela, il faut du courant, et souvent, quand on est au creux de la vague, on se noie. À vrai dire, une fois en bas, il y a beaucoup plus de risques de couler pour de bon que de chances de remonter à la surface."

     "Et pourtant ce qu'il lui a fait à elle, est-ce que quelqu'un s'est demandé si c'était normal ? S'il avait le droit ? Et qui aurait pu croire Clémence – dans ces années de terreur, il n'y a jamais eu de blessures, de sang ou d'hématomes, ni de lésions, ni de marques, il n'y a jamais rien eu de visible. Tout s'est fait à l'intérieur, et cela on ne peut pas le montrer, on ne peut pas porter plainte, on ne peut pas le prouver devant un tribunal. Une sorte de crime parfait. Après, c'est parole contre parole.
Et encore une fois, qui la croirait, Clémence, avec ses traits creusés et son regard perdu, ses incohérences lorsque la peur est trop grande, qui parierait sur elle, quand en face il y a Thomas, si beau, si brillant, si adorable? Thomas qui prend toute la place, tout l'oxygène – tout l'amour."

"Les mots de Thomas sont un mur infranchissable, des noyades, des fureurs. Contre ces mots – là, il n'y a pas de remède et pas d'issue."

 

Pervers-narcissiques-manipulateurs-comment-les-reconnaitre

 

Mon humble avis

 

280 pages qui se dévorent avec une tension particulière...
Un récit qui m'a particulièrement touché.

Violence psychologique, isolement, mépris, insultes ...Clémence, et le prénom a son importance, vit cette relation toxique, cet amour destructeur avec un homme pervers manipulateur...et bien sûr charmant pour les autres.
Mais ce n'est pas un livre de plus sur la violence conjugale ...
C'est beaucoup plus et j'ai retrouvé le style particulier et éblouissant de l'auteure pour nous emmener dans des réflexions profondes sur ce sujet à la fois d'actualité mais tellement méconnu et ignoré : comment se reconstruire après avoir eu la force de partir ? ...
Partir,  fuir, ne pas replonger face aux belles paroles, aux promesses, à la fausse gentillesse...
Comment vivre un quotidien avec la peur au ventre, l'esprit anéanti dans un isolement subi par un lien qui a isolé des autres, séparé des êtres aimés? Comment résister à aller retrouver celui qui fait croire que l'on est plus rien sans lui ?
Comment croire en soi quand on ne se fait plus du tout confiance car des paroles ont tué la personne : les mots violents, les insultes détruisent autant que des coups...et ne se voient jamais ! 

Son écriture hachée, rapide, oppressante où chaque mot est mis en valeur...
Une dissection de l'âme humaine...

D'autres fenêtres ouvertes : une découverte pour le métier passionnant mais difficile de boulanger, la résilience face au suicide de son enfant, l'importance de la vie familiale...
L'auteur, cette fois, nous fait vivre la nature au travers d'un petit jardin qui aurait bien besoin d'un jardinier mais qui devient pourtant un havre de paix.
Et la forêt, présente bien sûr, sera le souvenir glaçant et sombre d'un passé qui hante...

Roman bouleversant...mais magnifique portrait de femme qui veut lutter pour se reconstruire et croire à nouveau à une liberté possible, qui doit lutter pour ne pas sombrer ...
De faible à forte, de morte à ressuscitée...

Brigitisis_lecture

 

 



Commentaires (1)

Anna le 24/06/2022
bonjour , j'espère que ton vendredi se passe bien ? le mien calme je suis allée faire mes courses avec mon fils en début d'après midi , chez nous temps lourd ,gros nuages et vent , bonne fin de journée et bon weekend .. bisous ..Anna
http://anouchka028.centerblog.net


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