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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
17.11.2025
11945 articles
Benoît Philippon est un écrivain français, né le 31 novembre 1976, réalisateur et scénariste français, auteur de roman noir.
Il grandit en Côte d'Ivoire, aux Antilles, puis entre la France et le Canada.
Diplômé en Lettres Modernes à la Sorbonne Nouvelle, il devient scénariste en 2000.
En 2002, un premier scénario est porté à l’écran : "Sueurs", un film d’action produit par Samuel Hadida avec Jean-Hugues Anglade. Benoît développe ensuite plusieurs scripts pour le cinéma, de la comédie au thriller.
Il s’immerge également dans l’univers de l’animation.
Il participe à l’écriture de plusieurs séries ("Pat et Stan", "Chaplin&Co", "7 nains et moi").
En 2009, Benoît passe à la réalisation en cinéma avec "Lullaby".
Le film est coproduit par Orange Studio, Forecast et Christine Vachon ("Loin du Paradis", "Carol").
Tourné en anglais avec un casting international dont Forest Whitaker, Rupert Friend, Clémence Poesy, et la participation de Charlie Winston, "Lullaby" est sélectionné dans divers festivals internationaux (Pusan, Taipei, Camerimage) et sort dans plusieurs pays étrangers.
"Mune : Le Gardien de la Lune" (2015), un film d'animation 3D, est son second long-métrage. Il a écrit le scénario original et l’a coréalisé avec Alexandre Heboyan.
Le film a gagné le prix du meilleur film aux festivals de Tokyo, Toronto et Erevan et est, en 2015, le 7ème plus gros succès français à l’étranger.
En 2015, Benoît coréalise le court-métrage "Nephtali", en collaboration avec Glen Keane, pour la 3ème scène de l’Opéra de Paris.
En 2016, il écrit son premier roman, "Cabossé", édité chez Gallimard, collection Série Noire, qui obtient le Prix Transfuge du meilleur espoir polar 2016 et le Prix du Goéland Masqué 2017 du meilleur premier polar.
En 2017, il développe, avec le dessinateur Malec, "Super Mimi", une série jeunesse en bande-dessinée, éditée par Jungle Éditions, sortie en Février 2018.
"Mamie Luger" (2018), son second roman, sort aux éditions les Arènes, dans la collection EquinoX, suivi de "Joueuse" (2020).
Résumé :
Six heures du matin, Berthe, cent deux ans, canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate.
Huit heures, l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière.
La grand-mère au Luger passe aux aveux et le récit de sa vie est un feu d’artifice.
Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave.
Alors aveux, confession ou règlement de comptes ?
Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser.
Et pas qu’un peu.
Critiques :
« Poétique, réaliste, cynique, émouvant et captivant. Un texte de haute intensité drolatique et émotionnelle.»
Lire
« D'une efficacité absolument redoutable.»
Cercle noir, France culture
«L'histoire d'une femme émancipée, anticonformiste et féministe indignée par la domination masculine. Désopilant.»
Le Nouveau Magazine littéraire
« Plus qu'un personnage littéraire, Mamie Luger est un symbole.»
Sang-froid
Extraits :
6h08
« Blam ! Blam !
Berthe recharge. Ses membres tremblent. Beaucoup d’émotions pour une vieille de cent deux ans. Elle pense à sa camomille qui prend la poussière sur l’étagère de sa cuisine et se dit qu’elle s’en ferait bien une tasse. Les sirènes qui résonnent au loin ne sonnent peut-être pas encore le glas, mais reculent inéluctablement la perspective du réconfort d’un bon pisse-mémère.
De Gore gît à quelques pas de la niche de son chien. Du sang autour de lui. Il a un trou dans le dos, un autre dans le cul, en plus de l'officiel. Merde, elle y a peut-être été un peu fort. Berthe ne l'a jamais aimé, de Gore.
Le digne descendant de sa raclure de père. Elle ne pensait pas pour autant qu'il finirait au bout de son canon. Même si l'idée l'a souvent titillée.»
« — Madame, c'est la police. Sortez de chez vous, vous ne craignez rien.
— J'vais pas m'laisser berner ! J'le connais l'coup d'la police ! Vous voulez m'faire sortir pour m'violer ! J'suis qu'une vieille grand-mère qu'a qu'la peau sur les os, bande de détraqués!»
« Cling! Clong! Le carreau de la cuisine éclate. Berthe vient d'y faire de la place pour sa carabine dont le canon émerge soudain.
Blam ! Blam ! Et les poulets détalent comme des lapins.
Berthe, dans l'obscurité de la cuisine, s'amuse comme ça ne lui était pas arrivé depuis un quart de siècle, priant pour que son pacemaker tienne jusqu'au bout de cette folie.»
«– Madame, au nom de la loi, jetez votre arme.
Dernier avertissement.
Berthe sent que le ton a changé. Les secondes de sa pendule pétrifiée ne tiquent plus, pourtant Berthe sait qu’elles lui sont comptées.»
« — Tu peux répéter, marlou ? Les piles de mon sonotone viennent de rendre l'âme et j'ai pas tout entend...
Un barouf de tous les diables derrière elle. Sa porte valdingue contre son frigidaire en parfait état de marche depuis 1952. À l'époque, on fabriquait du solide et voilà qu'une escouade de poulets allait l'obliger à acheter de l'électroménager chinois pour stocker sa blanquette surgelée. Ces pensées inconsistantes traversent l'esprit de Berthe quand des agents en uniforme, casqués et armes brandies, chargent dans son antre auvergnat comme si y siégeait un nid de terroristes.
Coup d'accélérateur cardiaque pour Berthe qui évite l'infarctus de peu, trop occupée à être ulcérée du manque de savoir vivre de ces intrus.
— Vous pourriez vous essuyer les pieds avant de rentrer !»
8h 15
« L’inspecteur relève ses yeux de bouledogue blasé vers la grand-mère, pas intéressée pour un sou par la lecture de son rapport.
— Et vous avez accueilli les forces de l’ordre de police en disant : « Vous pourriez vous essuyer les pieds avant d’entrer ! ».
— Ben quoi ? Déjà qu’arrêter une petite vieille aux aurores, c’est pas bien courtois, mais rentrer chez elle avec leurs godillots crottés, ils manquent sérieusement d’bonnes manières, vos troufions.
— C'est-à-dire que vous leur tiriez dessus. On peut comprendre qu'ils aient oublié les bases de la bienséance.»
« — Bon, reprenons, vous avez droit à un avocat. Si vous n'en avez pas ou si vous n'avez pas les moyens d'en payer un, on peut vous en fournir un commis d'office.
Alors que l'inspecteur lui lit ses droits, Berthe tapote sa boîte de tic Tac dans sa main ravinée par les rides pour en sucrer son café.
— M’embrouille pas avec tes salamalecs administratifs. Les avocats ont d’intérêt que coupés en deux avec un zeste de citron.
— Comme vous voulez.
— J’peux rentrer maintenant ? L’est bientôt la demie, et y a mon jeu à la radio. Déjà qu’vous m’avez fait rater la tournée du boulanger, c’matin.
— Madame Gavignol, je crois que vous n’avez pas bien saisi la situation. Vous êtes ici en garde en vue. Je pense qu’aujourd’hui, vous allez devoir manquer votre jeu de radio, j’en suis désolé.
— Tu m’as pas l’air désolé, avec ta gueule de poulet qu’à trop mariné dans le vinaigre.»
« L'inspecteur ne peut réprimer un sourire. la vieille mord depuis qu'il l'a arrêtée, mais elle n'en reste pas moins touchante. Et mystérieuse. Ventura en a rencontré des cas sociaux, mentaux ou criminels dans sa carrière, mais une grand-mère centenaire, plus fragile qu'une brindille asséchée par une canicule trop longue, armée jusqu'au dentier et plus venimeuse qu'une vipère, c'est une première. Il a de la tendresse pour elle, tout en se disant qu'elle n'a pas fini de l'emmerder.
— J’te préviens, avec mon incontinence, tu vas pas me garder ici longtemps. J’dis ça autant pour moi qu’pour toi, faut pas m’en vouloir, mais passé les quatre-vingt-dix piges, y a tout qui fout l’camp et, contrairement à ma 4L, tu peux pas m’envoyer faire la révision des cent mille, j’suis plus cotée à l’Argus depuis 1986.»
« On s'habitue à tout, au café rance, aux suspects irrespectueux, aux affaires qui s'étalent comme des furoncles. Mais avoir un patronyme de star et devoir s'en justifier à chaque début de garde à vue, non, André ne s'y fait pas.
— Si, mais moi je suis l'inspecteur, pas l'acteur. Et j voudrais qu'on oublie ma filmographie et qu'on revienne à votre cas.
— Je suis tout ouïe. Par contre, j'te préviens, chez moi, ça veut plus dire grand – chose, vu qu'j'suis sourde comme un pot.
— Bon, commençons par les formalités d'usage.
Nom, prénom, date et lieu de naissance.
— Tu m'fais courir, Lino ?
— Inspecteur Ventura.
— Ah, oui...., se reprend Berthe. Faut pas m'en vouloir, j'suis un peu gâteuse.»
1914
«Son père était parti défendre sa patrie en l'abandonnant à sa naissance. Il allait finir coupé en deux par un obus dans les tranchées de Verdun moins de deux ans plus tard. Mort pour servir la France. Enfin surtout pour lui servir de chair à canon. Parce que sa mort n'a pas changé grand-chose à l'Histoire. En tout cas à celle de son pays. Mais à celle de Berthe, oui. La môme s'est retrouvée levée par sa mère et sa grand-mère. Un monde de femmes privées d'hommes.
Sa mère a tenu son foyer comme bon nombre d'autres femmes à l'époque : sans mâle et sans une pointe d'amour. Quand la moitié de la France se fait dézinguer dans les tranchées, on a du mal à dessiner des arcs-en-ciel dans la chambre de la môme qui vient de naître. Et quand on vient de perdre l'homme qu'on aimait, même si ce n'est pas de sa faute, à la gosse, on lui en veut quand même. Parce qu'on en veut à tout le monde.»
« Une femme qui accouche au début du XXème siècle, si elle n'y a pas laissé sa vie ou ses reins, elle ne va pas faire une syncope parce qu'elle a une partie de l'intimité déchirée. Qu'elle le prenne pour preuve de bonne santé. Ah, on ne se faisait pas chouchouter en maternité, en ce temps, on accouchait chez soi. Et si l'entreprise dégénérait en septicémie et finissait à l'hôpital, on avait intérêt à se rétablir vite et sans trop se plaindre. On a besoin du lit, c'est la guerre, madame. Qu'est-ce que vous voulez répondre à ça ? "C'est la guerre." Rien. Y a rien à répondre. Alors vous laissez le lit et vous rentrez cicatriser en torchant le nouveau-né d'une main et en préparant le paquetage de votre poilu de mari de l'autre.»
« Berthe se tenait éloignée de la falaise, lui préférant son gros chêne. Son tronc étiré vers le ciel, ses racines massives étendues autour de lui, plongées profond dans la terre, contre vents et marées, ce chêne ne bougerait pas. Berthe se blottissait sous cet abri, solide te rassurant. Ce chêne s’appelait Nana. Sa grand-mère.»
« Certains se désaltèrent de molécules H2O. D'autres ont besoin de chimie plus expérimentale et d'un bon outillage appelé alambic. Nana, depuis un quart de siècle, se fabriquait sa gnôle elle-même. Bio avant l'heure, elle n'aimait pas le picrate que ces voleurs d'épiciers vendaient à prix fort. Alors qu'avec son bon vieil alambic, vingt sacs de patates, quinze kilos de blé, huit cagettes de pommes et un soupçon de betteraves, elle était parée pour l'hiver.»
9h 11
«— Si tu les trouves trop longues, mes réponses, j’rentre chez moi écouter mon jeu à la radio.
— Je crains que votre jeu ne soit terminé.
— Ah, c’est malin ! Et pourquoi qu’tu veux savoir tout ça, d’abord ? s’agace la grand-mère.
— C’est le protocole.
— J’en ai rien à foutre, moi, que t’aies mal au trou d’balle.
— Je vous demande pardon ? s’étrangle Ventura.
— C’est toi qui m’parles de ton proctologue.
— Protocole, Berthe.
Rire étouffé de Pujol. Ventura lui suggère d’un regard réprobateur de se concentrer plutôt sur son correcteur d’orthographe.
— J’t’avais dit qu’j’étais sourde comme un pot. Et sénile. J’espère que t’as pas prévu d’prendre tes RTT ce soir, parce qu’à c’rythme-là, on va y passer la semaine.
— Il n’y a pas de RTT dans mon métier.
— Viens pas m’jouer du violon, quand j’ai commencé à travailler, on n’avait même pas les congés payés, donc ta complainte de feignant d’syndicaliste, elle m’émeut pas plus que les vœux de Mireille Mathieu.»
23h 58
«Ces deux mignons déversaient des torrents d'amour, elle devait s'accrocher à sa cuisinière pour ne pas être emportée. L'énergie qui liait ces deux-là, Berthe l'avait bien connue. Dans le temps. Les observer s'échanger des œillades au milieu de sa cuisine lui a rappelé ce qu'elle avait perdu, mais elle était heureuse pour eux. Ils avaient la chance de vivre un amour mythologique. Elle avait vécu le sien, elle goûtait le leur, même pour un soir, et cette sensation lui faisait du bien.»
10h 02
« L'inspecteur cuisine la centenaire, espérant qu'elle se mettra à table avant que la piste des fuyards ne refroidisse.
— Qu'ils étaient mignons ? Oui, j'avoue. Ils l'étaient. Et sacrément encore. Ils avaient l'air très amoureux.
— Ils vous ont violentée ? Séquestrée ?
— J't'ai dit qu'ils étaient mignons. Si t'as besoin d'faire vérifier ton sonotone, j'ai un bon oto–rhino.»
« — Donc quand vous avez tiré sur de Gore, vous saviez qu’il ne s’agissait pas de Gitans ?
— P’t’être bien que oui.
— Vous pouvez expliquer votre geste ?
— J’l’ai jamais aimé, lui.
— Ça ne justifie pas de lui tirer dessus.
— Qui m’empêche ?
— La loi, Berthe. La loi, dit l’inspecteur flegmatique.
— Dis donc, tu commences à m’casser les pieds, avec ta loi ! explose la grand-mère. On n’est donc plus libre de rien, dans c’pays ? J’croyais qu’y avait écrit « Liberté, Égalité, Fraternité » sous not’ drapeau. J’vois pas d’liberté, là, j’vois des menottes, l’égalité, vous m’faites bien rigoler, en tant qu’femme depuis un siècle, j’ai bien vu qu’on nous roulait dans la farine, et la fraternité, viens pas m’chatouiller avec ça. J’ai pas gardé un Luger dans ma commode par hasard !»
1942
« Berthe était livide. Le nazi face à elle n'avait pas 18 ans. Ou s'il les avait, sa puberté avait du retard. Pas un poil au menton, des yeux d'agneau et un air innocent, il ne porterait pas ce costume de mort, Berthe lui aurait donné le Bon Dieu sans confession. Reste qu'elle n'avait pas le saint-père sous la main, et que la croix sur le col du gars n'était pas estampillé Christ mais Wehrmacht donc quoi qu'il arrive elle était baisée.
Enfin, pas encore.»
11h 15
« Ventura se frotte les yeux. La vieille est attendrissante, mais aussi sacrément casse-couilles. Il en a assez de se faire tirer les oreilles, et devant un public qui plus est.
— Berthe, il faut que vous m'aidiez. Les charges qui pèsent contre vous s'alourdissent. J'aimerais me montrer clément, mais plus vous parlez, plus vous semblez avoir de choses à vous reprocher.
— À me reprocher ? se scandalise la vieille. Dis-moi, Lino, tu m'as fait une bonne impression au début, mais là tu vas m'fâcher. J'viens d'te dire qu'le type, en plus d'être un nazi, m'a violée et m'aurait tuée si j'l'avais laissé faire, et tu m'parles de choses à m'reprocher ?»
1933
« Berthe savait que Lucien l'avait démasquée depuis longtemps et alimentait sa kleptomanie avec des appâts qu'il semait dans ses poches. Et elle savait aussi pourquoi : il en voulait à sa culotte. Berthe n'allait pas tomber des nues telle une vierge effarouchée qu'elle n'était plus quand elle le découvrirait. Mais en attendant qu'il fasse ouvertement sa déclaration, elle comptait bien continuer à profiter de sa gentillesse intéressée en lui chapardant des friandises, de ci de-là.»
«Berthe avait son franc-parler. Elle était connue pour sa verve fleurie et avait été interdite de séjour dans plus d'une chapelle. Elle jurait, blasphémait, il lui arrivait même de cracher par terre. Ses traits étaient aussi féminins que ses manières étaient rustres. Mais Lucien ne lui en tenait pas rigueur. Est-ce qu'il était trop envoûté par l'harmonie de ses formes affriolantes qu'elle laissait deviner sans pudeur ? Car oui, Berthe était une belle plante, sauvage même, qu'on n'approchait pas si facilement, mais qui ne mettait pour autant aucun tabou à dévoiler la richesse de sa flore. Les chemisiers de Berthe, quand elle en portait, avait souvent un bouton en moins ou une bretelle décousue. Laisser-aller ? Pauvreté ? Provocation ? Qu'importait la raison, Lucien la désirait sans la juger dévergondée.»
«Toutes ces complexités du monde adulte lui paraissaient bien alambiquées, mais elle avait appris à écouter les conseils de sa grand-mère .»
« — T'es belle comme le printemps qui bourgeonne, t'as des seins généreux qui disent bonjour au soleil, t'as un cul haut et ferme, on pourrait y poser un godet et t'as des lèvres plus dodues qu'les fesses de Cupidon. En gros, t'es un aimant à amour ou à emmerdes, c'est selon l'utilisation que t'en fais.»
« Le mâle n'était pas indispensable à son épanouissement, bien au contraire, elle en avait fait suffisamment l'expérience. Mais un bon parti, pouvant prodiguer un toit hermétique, un plat chaud et un salaire mensuel, lui reposerait les lombaires. Car Berthe avait beau être une fille émancipée, elle en avait marre de planter des clous et de porter des seaux dans sa maison dépourvue d'eau courante. Et à cette époque, pour des raisons que Darwin n'a pas tenté d'expliquer, ce sont les hommes qui faisaient fortune. Donc aux femmes d'en profiter, sans se faire dominer, quand elles le pouvaient, ce qui n'était pas un équilibre facile à trouver.»
« Berthe n'avait aucune autre attente quant au mariage.
En ces sombres années, le prince charmant n'était pas une valeur cotée en Bourse. Quand on dormait au chaud et l'estomac plein, on estimait déjà qu'on avait la belle vie. Pour ce qui était de l'amour et du plaisir, l'histoire restait encore à écrire.»
« Berthe avait un raisonnement moderne qui savait ébranler son époque. En tout ca, son interlocuteur. Mais plutôt que d'articuler une antithèse convaincante, Lucien a choisi un argument plus percutant : il lui a collé une tarte. Moyen ancestral de remettre la femme à sa place sans trop avoir à se justifier de son manque d’intelligence. L’homme s’en était toujours tiré ainsi, alors pourquoi changer ?»
12h 13
«— Berthe ?
— Oui ?
— Vous venez d'avouer un meurtre, là ?
— Et ?
— Et c'était pas un nazi, celui-là.
— Donc ?
— Eh bien, c'est grave.
— Pourquoi ?
— C'est puni par la loi, Berthe. Encore la loi.
Ventura brandit l'étendard de l'évidence avec une indéfectibilité remarquable.
— Oh, c'est bon, y'a prescription, non ?
Le boomerang du droit pénal revient en pleine gueule de l'inspecteur.»
« —- Et je risque quoi ? s'intéresse la grand-mère sans l'ombre d'une accélération de pacemaker.
— Eh bien perpète.
L'inspecteur prononce la sentence sans pitié, espérant que le couperet la sorte de l'illusion que ses actes n'ont rien d'irréprochable.
—T'es en train de me dire que je risque la prison à vie? J'ai cent deux ans, Columbo. T'en déduis quoi?
Il faut croire que la lame du glaive de la justice est plus émoussée que celle du couteau de boucher de la vieille tueuse.»
12h 34
«— Et vous Berthe, vous avez été amoureuse ?
— Oui.
Stupéfaction de l'inspecteur. La veuve meurtrière l'inonde soleil sous les néons du réfectoire. Pourtant plus fanée qu'un pot pourri, la grand-mère pète soudain de couleurs estivales. Un vrai champ de coquelicots en plein mois d'août.
— Immensément !»
14h 45
« — Je ne dénigre pas votre souffrance, mais on parle de meurtres. Alors le nazi, je dis pas, mais les deux autres, jusqu'à preuve du contraire, ils n'avaient rien fait d'illégal.
— Tu veux dire de «puni par la loi» ?
— Exactement.
— T'y crois fort à ta loi, hein, Columbo?
— Oui, Berthe, j'y crois.
— Ben moi, j'crois à la justice.
— Mais la loi est là pour ça.
— Quoi? La loi et la justice, ce serait lié ? T'as fumé trop d'thé vert, mon grand.
Pujol pouffe, une fois de plus.»
« Le smartphone de Ventura émet un son électronique.
L'inspecteur clique sur le fichier multimédia reçu. La photo montre Bernier, peu photogénique, au milieu d'un parterre d'os humain et animaux.Ventura a beau ne pas être connaisseur, il trouve la composition spectaculaire.
Il en partage l'effet visuel en dirigeant son écran vers Berthe.
— Votre cave.
— C't'incroyable tout d'même..., dit-elle, impressionnée.
— Je suis bien d'accord, valide Ventura en se replongeant dans cette photo extraordinaire au sens le plus littéral du terme.
— La technologie moderne, précise-t-elle.
— Quoi ?
— Non, j'dis c't'incroyable, la technologie moderne.
Y a une photo dans ton téléphone. D'mon temps, il fallait trois jours pour avoir le 22 à Asnières.
Pujol se remouche de rire dans ses mains. Soupir de Ventura. Étincelle d'espièglerie au fond de l'œil de Berthe.»
« — Pujol, les chocolatines, deux.
Pujol acquiesce et sort.
— T'es gourmand aussi, hein, coquin ? taquine la grand-mère.
— Bon reprenons, dit Ventura, faisant mine de ne pas avoir entendu. On en est à sept cadavres. Vous m'avez avoué trois meurtres. Un nazi. Deux maris. C'est qui, les quatre autres ?
Berthe se ternit à nouveau. La rigolade est finie, il vafalloir recommencer à déterrer les sales souvenirs, maintenant que leurs os sont revenus à la surface.
— C'est les autres.
— Les autres quoi ?
Cette fois, c'est la terreur qui s'immisce dans la voix centenaire :
— Les autres monstres. »
20h 08
« Ventura s'apprête à se lever lorsqu'une notification fait vibrer son portable posé sur le bureau. Il en prend connaissance :
- Ça y est, vous êtes une star.
- Comment ?
Ventura glisse le portable dans les mains de la vieille.
- J'vois rien.
- Lisez l'article.
- J'vois rien, j'te dis. Ton truc, il est tout noir.
Elle brandit l'écran éteint.
- Balayez.
- Quoi ?
- Avec votre doigt, balayez l'écran.
- Dis, oh, suis pas venue faire ton ménage, moi !»
20h 57
« — Vous êtes un peu soupe au lait, quand même.
— Tu les aimes, toi, les percepteurs d’impôts ?
— Non. Mais si je me mets à abattre tous ceux que je n’aime pas…
— Ben, ça ferait du ménage. Si y avait plus de gens comme moi, y aurait moins de cons autour de nous.
— Vous vous rendez compte de l'énormité de ce que vous dites, Berthe ? Sachant que les cons autour de vous, oui, vous les avez tués.
— Oh, si on peut plus plaisanter.
— Sept meurtres, on ne peut plus trop parler de plaisanterie.
— Parce que t'as pas l'sens de l'humour.»
« — Vous voulez avouer d'autres meurtres ?
— J'dis juste qu'c'est pas parce que t'as pas retrouvé les corps qu'y a pas d'meurtres, Columbo. Y t'apprennent quoi, à l'école des képis?
Déculotté, l'inspecteur. Il se frotte les yeux. En profondeur. Longtemps.»
01 h 02
«Si mon témoignage peut inciter des filles à ne pas faire de conneries et des bonhommes à être un peu moins cons, ce sera ma petite pierre laissée à l’attention de l’humanité.»
Mon humble avis :
Merci à ma nièce Cindy pour m'avoir offert ce livre et fait découvrir cet auteur. 380 pages dévorées en une matinée pluvieuse !
Cette histoire est un véritable bijou d'humour noir qui fait beaucoup rire mais qui nous touche et nous émeut particulièrement en nous plongeant dans un huit-clos extraordinaire avec des dialogues jouissifs, passionnants pour une garde à vue très spéciale.
Quel talent ! Avec des échanges percutants et très amusants malgré la gravité de la situation, on retrouve dans l'écriture de l'auteur le talent du scénariste qui sait construire des flash-back et des personnages uniques : Berthe et Ventura, non pas Lino ni Colombo mais André,
sont très attachants.
Et beaucoup de sujets graves et importants traités au fil des années de vie de Berthe : la difficulté d'accoucher pendant la première guerre mondiale, l'enfance malheureuse avec un père parti et mort à la guerre, la solitude des jeunes mères veuves, le magnifique lien entre une grand-mère pittoresque et sa petite fille aimée, le patriarcat avec la domination masculine qu'il implique,
«Son mari voulait la garder à la maison ? En 1952, asservir une femme n’avait rien d’un crime. On appelait ça une femme au foyer.»
l'émancipation de la femme,
«– Et la nécessité de l’accord de son mari pour avoir un compte en banque et utiliser son propre argent, tu trouves que c’est pas des chaînes aux pieds, toi ? Devoir quémander pour avoir le droit de vote, c’est la liberté ? Risquer une amende parce que tu portes un pantalon, t’appelles ça comment ?»
les faiseuses d'ange , les violences conjugales psychologiques et les coups, les préjugés, l'hypocrisie, les viols et le racisme, la vie de couple, l'amour vrai et passionné, l'évolution des mœurs et du statut des femmes célibataires ou mariées, le droit au plaisir de la femme, le bonheur de lire les auteurs femmes de l'époque ( Beauvoir, Colette, Georges Sand)
«Berthe avait trouvé des amies dans la littérature.»
Berthe est en fait une féministe avant l'heure et le lecteur comme l'inspecteur sont emplis de tendresse envers elle : la vraie morale est avec elle si la loi ne l'est pas! Une sacrée femme !
Malgré un langage un peu cru et des scènes difficiles et parfois très intimes l'auteur n'est jamais vulgaire.
Hilarant !Jubilatoire ! Original ! Inoubliable !
Bonjour Brigitteje te souhaite une bonne semaine,
bisous
http://chezmitsy.centerblog.net
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