CONTES PREFERES

Le Verrou, musée du Louvre, peinture huile sur toile de Jean-Honoré Fragonard entre 1774 et 1778.
Le Verrou est une scène galante peinte par Jean-Honoré Fragonard en 1777. Il s'agit de l'un des tableaux les plus célèbres du peintre, véritable référence de la peinture du XVIIIème siècle. L'interprétation commune suggère que la scène représente deux amants enlacés dans une chambre à coucher, l'homme poussant le verrou de la porte.

Le verrou

Blottie sous une montagne de couvertures, la chevelure blonde détachée recouvrant un oreiller bien doux, elle réfléchit avec intensité à la manière dont elle va pouvoir s’éclipser un moment dans l’après-midi, sans sa dame de compagnie.
Aujourd’hui, elle a un rendez-vous galant.
C’est la première fois.
Elle ressent ce petit picotement dans le ventre, un peu d’appréhension aussi, mais surtout une grande impatience.
Il lui plait, c’est un gentilhomme, il est élégant, beau, charmeur, pour elle, il a toutes les qualités.
Ils vont se voir en secret, ce n’est pas convenable.
Ils se sont rencontrés lors d’un repas donné par un ami de son père.
Leurs regards ne se sont pas quittés, face à face, d’un bout à l’autre de la longue table.
Elle l’écoutait discourir sur la république avec fougue et enthousiasme.
Il lui a glissé un petit billet dans la main en passant, lorsque les invités étaient conviés à une petite promenade dans le parc.

Depuis, elle ne dort plus.
L’aiguille de la pendule en bronze n’avance pas.

Il est trop tôt pour se préparer, elle a du temps devant elle.
Le jeune domestique de la maison vient lui apporter son petit déjeuner, ainsi qu’une lettre d’invitation.
Sa meilleure amie lui propose de venir boire le thé chez elle, en compagnie de connaissances communes.
Quelle chance, la solution lui apparaît comme une évidence.
Elle griffonne quelques mots sur le papier à lettre, décoré de ses initiales entrelacées, et le fait porter à son amie.

Soulagée, elle dévore son petit déjeuner en regardant la vue sur le parc depuis la fenêtre de sa chambre.
Le tour est joué.
Elle peut avoir confiance, son amie ne la trahira pas et sa gouvernante n’y verra que du feu.

Il est préoccupé.
Cette jeune fille l’attire et il espère ne pas avoir fait un impair en l’invitant en secret, sans la permission de ses parents.
Il ne pouvait pas attendre.
Elle le fait vibrer, son air mutin, ses boucles blondes, ses grands yeux curieux et son sourire !
Quel sourire !
Qui pourrait résister à son charme ?
Il est quand même inquiet, car il lui fait prendre des risques.
Et si elle ne venait pas ?
Il tourne en rond, donne des ordres à son fidèle majordome pour que tout soit prêt.
Le thé, les douceurs, les fleurs.
Dans le petit salon ?
Ou peut-être sous la tonnelle ?
Non, il fait frais.
Nous resterons dans la bibliothèque, la pièce est chaleureuse, le bois dans la cheminée crépite.
Il fait bon.

Il est 15 h 00, lorsqu’elle arrive.
Ils bavardent avec politesse en buvant le thé et en grignotant les petits gâteaux.
Quelquefois, le silence se fait, il n’est pas pesant, il s’élève, les entoure doucement.
Le temps n’a plus d’importance.
Les mains se frôlent pour prendre un biscuit, les regards n’osent pas se rencontrer, ils sont dangereux.

Et puis, tout bascule.
En se levant pour contempler la vue, ils se heurtent dans un bruissement de soie, les bouches se rencontrent, les mains se font pressantes.
Alors, il l’emmène en haut, dans sa chambre, l’étreint avec puissance.
Le lit à baldaquin est tout près, deux pas encore, les rideaux rouges tombent en vagues de velours, le tapis est moelleux.
Les vêtements les encombrent, il parvient à s’en défaire, avec des gestes empressés, saccadés.
Le désir est présent dans tous les recoins de la pièce, il est palpable.
Il la serre dans ses bras, elle résiste, essaie de se dégager du péché, dernier sentiment de culpabilité, mais avant d’atteindre le lit, draps déjà défaits, il ferme le verrou éclairé par les dernières lueurs du soleil.

Le reste, je ne peux que l’imaginer.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise sur ce banc, au musée du Louvre, devant cette toile de Fragonard.

Je me lève et continue ma visite.

Mapie

Avec la magie des mots et l'imagination, nous voilà partis au XVIIIème siècle à un rendez-vous galant, secret, presque défendu...qui devient coquin et passionné...
Quand la peinture, avec ses tableaux, est une invitation aux voyages, au dépaysement et  nous permet des rêveries dans les siècles passés face à une toile...

Brigitisis