Ce n'est pas la mer à boire.
Tout avait commencé ainsi.
Commencé. Ou fini.
Il lui avait dit : « Je te quitte, oui, mais ce n'est pas la mer à boire ! »
Qui dit ça ? Jamais on a vu autant d'incohérence !
« Je te quitte,ce n'est pas la mer à boire » ?
La mer.
L'amer ?
Oui ça aurait pu donner lieu à des jeux de mots, ces jeux dans lesquels elle excellait.
Mais là ne restait que l'absurdité de la phrase.
D'être quittée, elle en avait pris l'habitude.
L'inédit, c'était dans la réplique, jamais de sa petite expérience de quittée, elle n'avait entendu plus étrange.
La mer, elle avait bien essayé de la boire.
Pour voir.
Pour boire.
Un matin, un de ces matins où la tristesse semblait trop lourde. Sans réfléchir, la plage, l'eau, alors pourquoi pas, elle avance jusqu'à en boire la tasse.
Pour voir.
Pour boire.
Et recule.
On imagine pas comment mourir est foutrement complexe.
Il y a toujours ce fichu instinct de survie qui vient parasiter l'action.
Foutu instinct !
Elle n'en a bu qu'un peu de sa mer à boire, ce matin-là.
Allez, tasse après tasse, tu la boiras bien un jour !
Partie remise, la mer !
Inconsciemment elle se noyait pourtant déjà bel et bien.
Dans sa mélancolie.
Elle s'y baignait avec plaisir.
S'y complaisant.
Un verre, une bouteille pour seule compagnie.
C'était peut-être là, sa mer à boire !
L'amertume s'embrumait dans l'alcool.
De son histoire d'amour, elle n'avait plus aucun souvenir, ce qui la hantait c'était cette formule foireuse de rupture.
Ces mots dits comme un mépris posé sur la fin d'un amour.
Ce n'est pas la mer à boire !
Elle, amoureuse du mot juste, en était devenue obsessionnelle.
Il devait y avoir quelque chose à sortir de cette phrase.
Une issue.
Pourquoi l'avoir dite, sinon ?
Ça la rendait folle.
Littéralement.
Aliénée.
Noyée dans sa folie.
Cette mer à boire avait touché un fil en elle.
Brisé le fil fragile de son équilibre.
Cette mer l’envoûtait.
Boire.
Boire, encore.
Comme pour s'immerger de l'intérieur.
Le soir, assommée d'une modération toute relative d'alcool, même ses rêves étaient maritimes.
Noyés et naufragés peuplaient ses nuits.
Folle.
De l'éveil au sommeil, elle plongeait dans la folie.
Plonger... terme approprié non ?
La folie fut sa mer à boire.
Elle la but jusqu'à sombrer.
Qu'est-elle devenue ?
Elle aurait été retrouvée, un jour, morte, chez elle.
Morte de soif, aurait précisé le médecin...
Ce n'était pas la mer à boire !
Lilou
S'il prononce ces mots, il se déconsidère lui-même ! Mais sur l'instant, avec le choc, elle n'aura pas tout compris...
dérangeant dans le bon sens
jaime beaucoup ce genre de texte et te lire est encore plus agréable
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