Mam'chérie,

Tu as tellement de chagrin, qu'au paradis des chiens où je suis arrivé sans encombre, on m'a permis comme tu vois, de te parler avec ma voix.

On te prendra peut-être pour une folle mais je sais que tu t'en moqueras, que nous comptons pour toi bien au-delà de la raison.

Ne pleure pas, j'ai bien compris : si tu as fait abrégé ma vie, c'est par amour et c'est pour moi, pour que j'arrête d'avoir mal...Je ne t'en veux pas...surtout pas! Tu sais c'était de plus en plus dur à chaque pas...Bien sûr, je gémissais et tu étais toujours là mais dans ton regard plein de chagrin, j'avais l'angoisse du lendemain.

J'étais si bien entre tes bras, j'ai profité, j'ai même appris à ronronner de bonheur comme les chats de la maisonnée...On s'en ai fait des grasses matinées tous! Ce n'était plus ton lit mais une grande niche, petit univers de tendresse et d'amour. Les chats avec nous...Eux aussi m'ont entouré! 

Tu sais ici nous échangeons sur nos vies et j'ai trouvé des tas d'amis...Mais il y en a beaucoup qui n'ont pas connu la douceur d'un foyer ou l'amour d'un humain...alors je leur parle de toi...et ils aiment le mot Mam'...

Regarde moi, je peux t'envoyer ces quelques photos...

J'ai rajeuni et ma patte blessé n'est qu'un mauvais souvenir... Pona et Orry sont avec moi, nous gambadons dans des bois ...Ici, il y a des prairies fleuries, des cascades et des sentiers, et surtout pas d'humains méchants ou méprisants...

Je cours à nouveau comme avant, rassure toi...

Tu sais combien j'ai aimé jusqu'au bout de ma vie me rouler dans l'herbe et  la rosée du matin...Ici aussi je peux le faire, l'herbe est si douce, si verte et emplie de petites fleurs des champs comme tu aimes.

Regarde sur les photos...cela t'a toujours fait sourire tendrement...

Parfois, je m'isole un peu, je rêve de toi et des petiots...

Je me souviens avec mélancolie moi aussi car vous me manquez mais tu vois, c'est juste un instant car vite je retrouve ma fougue de jeunot!

Fais leur un bisou , ils m'ont tous tellement pouponné, moi le grand!

Dis leur combien je les aimais...

Mam', quand tu auras le courage de retourner promener sans moi avec les petits bouts, et il le faut..si! si! fais le pour moi...Donc, qu'est-ce que j'aboyais déjà? ah! oui! Quand tu retourneras ballader, fais comme si nous étions encore tous autour de toi...

On y sera même si tu ne peux pas nous voir, tu nous sentiras ...

Regarde bien, pense à nous...jamais on ne te quittera vraiment, ombres fidèles de tes pas.

Dis le autour de toi, tant pis pour ceux qui n'y croient pas...

Tant qu'on a en soi la pensée des êtres aimés, ils sont de l'autre côté mais jamais loin...juste invisibles mais présents dans le coeur...

Voilà... je t'ai écrit du Paradis des chiens pour te rassurer...Arrête de pleurer sur moi, les petiots ont besoin de toi...Demain, allez vous promener...je vous accompagnerai...Pona et Orry aussi seront là, tu le sais, tu les sentais si souvent...et puis j'inviterai les nouveaux amis...Ne t'inquiète pas...Tu seras la Fée des Chiens...

Tu avais raison : nous sommes bien plus que de simples chiens...

Ton Vicky...

Après huit et huit jours sans te quitter, à partager avec toi cette petite chambre en soins palliatifs je ne sais plus trop où je suis aujourd'hui...Hier, j'ai ouvert grand la fenêtre pour laisser ton âme s'envoler...je me dis que je t'ai ramené avec moi, je te sens avec moi...Tu as été dans la souffrance à l'image de ta vie, discrète, ne voulant pas gêner, donner du travail, esquissant un sourire à chaque personne qui entrait presque jusqu'au bout de ce long tunnel qu'est la fin de vie...J'ai essayé de faire de mon mieux devant ces mystères qui nous échappent mais je reste avec une révolte de ce qu'il t'a fallu subir! J'ai supplié tous les dieux de la terre de te délivrer, c'était si dur de te voir ainsi...On ne devrait pas vivre de telles choses...On sait que la mort fait partie de la vie mais pourquoi la souffrance, cette impuissance face à cela, pourquoi cette régression qui fait perdre la dignité, la pudeur...Je sais que même inconsciente tu entendais et je te parlais comme si...Papa était parti le 3 mai et tu es parti le 3 septembre...j'avais dit que tu partirais le 3, que papa allait venir te chercher...On devient complétement irrationnel dans certains moments de la vie...Parce que tellement de choses nous dépassent...Mais on en sort plus fort, avec la certitude d'avoir fait ce qu'il nous fallait faire pour être en paix avec nous mêmes...Et toutes ces personnes qui t'ont entourée, soignée, accompagnée...qui sont là aussi pour les familles sont des gens extraordinaires de gentillesse et d'humanité...Je me suis sentie sur la même planète et celà m'a fait du bien, tellement de bien...J'ai compris pourquoi j'avais craqué dans un milieu d'objectifs, de finances, d'ambitions et de challenges...ce n'était pas pour moi et cette évolution ne me convenait pas...mais l'humanité existe encore...je te disais que je n'étais plus faite pour ce monde et tu me répondais que c'était ce monde qui ne tournait plus rond! Tu n'étais pas psy et tu savais la sagesse de la vie, simplement...J'ai pris  des notes des récits de ton enfance et de ta jeunesse, il ne faut pas que cela se perde et cela ne se perdra pas.
Aucun hommage ne sera assez beau pour toi...mais ce sera de l'amour, de la tendresse...
Il n'y aura pas d'articles dans les journaux, ni de film sur ta vie, ni d'annonce au journal de 20 heures et pourtant toi tu étais un modèle...

Saint Apollinaire, le 04 septembre 2011
Brigitisis

Tu es toujours si fatiguée, tu ne peux plus marcher, on ne te comprend pas toujours et parfois tu te crois à ta maison et tu ne sais plus où tu es...C'est si dur de te voir diminuer de jour en jour mais quel courage et force en toi pour te battre comme tu le fais...Peut être est ce parce que tu as plein d'amour qui t'entoure...j'y crois très fort. Et je reste là à guetter l'instant d'un petit sourire...Et tu penses toujours aux autres : aux infirmiers que tu ne veux pas "déranger", à moi à qui tu dis "Repose toi un peu là tranquille, que tu es fatiguée! quand tu seras malade!!!" Alors cet espace dans le temps infini de l'après midi où  je te retrouve est un petit moment de bonheur!!! Avec les fées qui se relaient près de toi!!!

Je t'ai laissé à ton sommeil profond...Je voudrais que la Fée soit dans tes rêves...Elle te sortirait de ce lit de souffrance et te promenerait dans la forêt pour faire du bois comme tu aimais tant... Tu verrais le ciel étoilé, les reflets de la lune sur le lac, tu entendrais ces chants nocturnes d'insectes d'été...Je pense si fort à toi, petite maman, si fort...Je regarde ce ciel si étoilé ce soir et je demande : pourquoi te faut il passer par ces étapes de souffrances inhumaines pour quitter la vie, toi si douce et si gentille...Mais je n'ai pas de réponse, juste des larmes dans mes yeux et une révolte en moi!

Maman, je l'ai trouvée et tu l'as reconnue...la fée de ton enfance,celle dont tu me parlais quand j'étais petite et que je faisais ces cauchemars la nuit. Je me souviens  que tu me promenais dans tes bras pour me rassurer...et tu me parlais d'elle...Image inoubliable que l'on met dans un tiroir en grandissant et que l'on retrouve au moment capital où c'est toi qui devient mon petit enfant...Depuis hier que la fée m'accompagne, tu es calme, tu souris doucement, tu te laisses masser et pouponner sans me dire que je te prends pour un bébé!...tu as une sérénité maman et c'est celle que te donne l'amour de tes enfants...La force qui t'habite c'est celle de ne pas nous quitter parce que tu sais qu'on t'aime et que sans toi plus rien ne sera pareil...Une maman, c'est un amour comme on ne trouve plus...Et même si tu me dis de rentrer je reste dans cette chambre avec toi...C'est la fée qui veille sur toi quand je ne suis pas là... Je l'ai laissée avec toi...
Brigitisis

Envie d'aller marcher à travers les champs et les près, envie de promener avec Vick et Orry, envie d'écouter le silence de la forêt, envie de répondre au coucou qui appelle au loin et qui me répond, envie de soleil sur moi, envie d'aller jusqu'au lac et de savourer la beauté alentour...Mais pas la force, juste l'envie...
Envie de croire que les fées existent et que je rencontre la fée du lac, celle de l'enfance de maman...Elle me demandera pourquoi j'ai le coeur si lourd et je suis si triste...Je lui dirai que c'est très dur de regarder maman souffrir...je lui demanderai de venir avec moi cet aprem et d'un coup de baguette magique elle me ramenerait en arrière dans le temps, petite fille avec maman. Elle nous transporterait par magie chez Mémé et nous regarderions les bleuets et les coquelicots, main dans la main comme il n'y a pas si longtemps ...Elle aurait son beau sourire, elle me dirait "attention ma chérie, ne te tords pas la cheville!...Prends un baton pour t'appuyer...Attention où tu mets les pieds qu'il n'y ait pas de vipères...tu vas attraper un coup de soleil...bref tous ces petits mots d'amour tout simples que disent les mamans...Mais je la retrouverai heureuse, légére, dynamique...Il suffit peut être de le vouloir bien fort, et d'y croire vraiment...
Je vais aller au pays des fées  trouver la fée de mon enfance , elle viendra avec moi...voir maman...Ce sera bien cet aprem, il y aura le ciel bleu dans la chambre...Maman ne sera pas malade, même pas fatiguée...nous marcherons jusqu'au soleil main dans la main...et je serai à nouveau Brigou...
le 17 Août 2011